Le lendemain de cette rencontre qui l’avait marqué, Sami se réveilla avec une sensation étrange :
son cœur, habituellement si lourd, paraissait un peu plus léger.
Il n’avait pas beaucoup dormi, mais une pensée l’accompagnait :
« Peut-être que je peux encore avancer. »
Dans la rue, il croisa de nouveau la femme qui lui avait tendu un repas chaud quelques jours plus tôt.
Cette fois, elle ne s’arrêta pas seulement pour lui donner à manger. Elle s’assit à côté de lui, malgré le regard étonné des passants.
« Comment tu t’appelles ? » demanda-t-elle avec un sourire.
Il hésita un instant. Cela faisait si longtemps qu’il n’avait pas prononcé son prénom avec fierté.
« … Sami. »
« Enchantée, Sami. Moi c’est Amina. »
Ce simple échange, banal pour n’importe qui, avait pour lui la valeur d’un trésor : il redevenait quelqu’un, une personne, et non plus une ombre.
Les jours suivants, d’autres visages revinrent dans sa vie.
Un vieil homme qui lui apportait du thé chaud, un jeune étudiant qui prenait parfois le temps de discuter, une bénévole qui lui donna un manteau.
Chaque geste, chaque mot, posait une petite pierre dans ce qui ressemblait à une reconstruction.
Mais les moqueries n’avaient pas disparu pour autant.
Un soir, alors qu’il s’installait sous un porche pour dormir, deux adolescents passèrent et lancèrent :
« Hé le clodo, t’as pas honte de squatter ici ? »
Sami sentit la colère monter, mais cette fois, il ne baissa pas complètement la tête.
Il se redressa, et d’une voix tremblante mais ferme, répondit :
« Je ne suis pas ce que vous croyez. »
Ils éclatèrent de rire avant de s’éloigner.
Pourtant, au fond de lui, Sami sut qu’il venait de franchir une étape : il commençait à défendre sa dignité.
La nuit fut froide, mais cette fois, Sami ne se sentit pas complètement seul.
Les visages rencontrés ces derniers jours lui revinrent en mémoire : Amina, l’étudiant, le vieil homme au thé…
Chacun avait déposé en lui une étincelle qui, sans le savoir, l’empêchait de sombrer.
Il se recroquevilla sous son manteau, ferma les yeux et soupira.
Il ne savait pas encore où ces rencontres le mèneraient, mais pour la première fois depuis longtemps, il avait envie d’attendre demain...
